XIXe-XXIe siècles
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De tout temps, le nationalisme roumain s’est nourri de références aux traditions paysannes. Le phénomène a été communément expliqué par l’implantation de fortes minorités sur le territoire national. Lorsque les provinces roumaines sont regroupées dans un même Etat en 1921, les minorités nationales représentent en effet 28, 1% de la population totale et 41, 4% de la population urbaine. Après la seconde guerre mondiale, le territoire roumain est ramené à de plus modestes proportions, mais une forte minorité magyare reste néanmoins implantée en Transylvanie. Une clé de lecture semble ainsi se dégager du fait que les autorités poursuivent un objectif d’homogénéisation culturelle, la référence aux valeurs paysannes leur permettant de stigmatiser les minorités implantées dans les villes. L’étude de la mobilisation identitaire antérieure à l’unification du territoire roumain révèle pourtant les limites d’un telle approche : l’enchevêtrement des thématiques nationale et paysanne est observable sans que le statut des minorités n’y fasse encore l’objet d’un questionnement systématique. Elles évoluent dans deux environnements distincts : la Moldavie et la Valachie sont insérées dans l’empire ottoman, tandis que la Transylvanie est partie intégrante de l’empire Habsbourg. Dans chacun des cas, les populations roumaines sont soumises à une tutelle extérieure, tout comme elles sont formées en majorité de paysans. Ainsi deux axes de recherche se dégagent-ils : il convient d’abord de confronter la situation interne à la position externe de la collectivité étudiée, ensuite d’examiner les relations établies entre le sommet de la hiérarchie sociale et sa base paysanne. En croisant ces deux axes, Antoine Roger vise à comparer les différentes occurrences du nationalisme roumain et à en dégager des principes de variation.
Antoine Roger est maître de conférences en science politique à l’Institut d’études politique de Bordeaux. Ses recherches portent sur les comportements politiques en Europe centrale et orientale. Parmi ses publications récentes figurent Les grandes théories du nationalisme (Paris, Armand Colin, Collection " Thema - science politique ", 2001) et Fascistes, communistes et paysans : sociologie des mobilisations identitaires roumaines (1921-1989) (Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, 2002)
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La valeur de l’État et la signification de l’individu constitue le premier ouvrage de philosophie politique de Carl Schmitt (1888-1985), dans lequel l’État émerge comme une problématique centrale. Cet essai, paru en 1914, s’insère dans un débat, relatif au fondement du droit, au statut de l’État et à la relation que ces deux entités devraient entretenir. L’argumentation de Schmitt tend à rejeter simultanément les doctrines juridiques positivistes, les théories qui précipitent lafin de la souveraineté étatique et toutes les thèses à caractère individualiste. Avant même d’être politiques, les objections de Carl Schmitt sont de nature méthodologique. La prééminence du droit sur l’État, ainsi que la primauté de la sphère étatique sur l’individu constituent les «résultats» les plus saillants de l’ensemble de ses développements. Dans l’évolution de la pensée politique de Carl Schmitt, La valeur de l’État et la signification de l’individu forme une étape intermédiaire entre les traditions kantienne et kelsenienne de l’État de droit, desquelles Schmitt ne s’est pas encore émancipé, et un certain étatisme, qui s’affirmera dans le concept d’État total, à partir de 1930. Cette œuvre précoce, inédite en français, prépare la voie à une revalorisation radicale de l’État, dont Schmitt tente ici de démontrer la valeur.
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Dans la littérature, le secret engendre paradoxalement un spectacle. Il se révèle en effet être un ressort dramatique d’une efficacité remarquable. Mieux encore, certains romans, pour masquer une vérité, s’adossent avec constance au motif du jeu théâtral, quand ils ne recourent pas aux procédés formels distinctifs du théâtre.
A partir d’une œuvre dramatique, celle de Marivaux, Arielle Meyer décrit le modèle de fonctionnement du secret pour déterminer ce qui l’arrime au spectaculaire. Elle apprécie ensuite la manière dont ce modèle est transposé dans un ensemble d’ouvrages romanesques du XIXe siècle ; elle identifie et compare les incidences formelles qu’occasionne dans le récit le traitement variable d’un thème commun : Mademoiselle de Maupin, Les Diaboliques, mais aussi Armance et Les Rougon-Macquart, autant de textes bâtis sur l’histoire d’un personnage dont le secret est suspendu au désir et à la sexualité.
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En octobre 1804, Joseph Rey, étudiant pauvre, autodidacte, ami de Stendhal et "pour toujours acquis à la grande cause de notre admirable révolution", écrit à Destutt de Tracy. Celui-ci est sénateur, membre de l’Institut, mais surtout le chef de file, avec Cabanis, des Idéologues, ces philosophes héritiers des Lumières qui, quelques années auparavant, étaient les penseurs quasi-officiels du Directoire et les éclaireurs des espérances de la République. Bientôt suivie de nombreuses visites, cette première lettre est à l’origine d’une longue et riche amitié, jalonnée d’une correspondance qui s’étale sur les dix années de l’Empire. Les lettres de Destutt de Tracy à Joseph Rey ne constituent pas une correspondance philosophique, comme l’est par exemple celle échangée à la même époque avec Maine de Biran. En revanche, elles représentent une source importante pour la connaissance de la vie, de la personnalité et de l’itinéraire intellectuel de l’auteur des Eléments d’idéologie et du Commentaire sur l’Esprit des lois de Montesquieu. Au delà des considérations sur la vie quotidienne, au delà des interventions de Destutt de Tracy pour favoriser la carrière de magistrat de son jeune protégé, elles apportent un éclairage mal connu sur la façon dont le philosophe a vécu le régime de liberté très surveillée de l’Empire, sur la difficulté qu’il eut à poursuivre son œuvre dans un tel contexte historique ainsi que sur la véritable dépression qui le frappa entre 1807 et 1811.
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Pour fixer la trace interroge des écrits qui, au XIXe siècle, partagent un objet commun, non-littéraire, la photographie. Cette dernière inaugure un type de représentation, apparemment opposé à celui que propose la littérature. Des textes d’écrivains, d’historiens, de critiques, contribuent directement ou indirectement, à questionner cette rencontre problématique. Autour de Maxime Du Camp et de son Egypte, Nubie, Palestine et Syrie – le premier livre français illustré de photographies, se constitue un champ intellectuel qui mérite d’être cerné. Creuset d’une réflexion « littéraire » sur la photographie, il impose un éclairage nouveau sur des œuvres littéraires connues. La situation de Maxime Du Camp dans le monde lit©raire et éditorial, ses prises de position théoriques sur les arts et la littérature, permettent de comprendre la place de la photographie dans l’histoire culturelle du XIXe siècle.
De la confrontation de grands textes de fiction, de récits de voages, de travaux d’histoire, de commentaires d’épreuves photographiques se dégage une sensibilité commune, de l’ordre d’un modèle culturel, que la photographie structure de manière spécifique. Un motif traverse ce corpus de textes émanant pourtant de sources diverses : celui du « faire-vivre ». Il définit la spécificité ontologique de la photographie, tout en posant une question fondamentale à l’écriture de type historique et fictionnel. Il est au cœur de l’écriture du voyage. Autour de lui se cristallise la tension entre réel et imaginaire d’une part, entre photographie et texte descriptif d’autre part, dont il s’agit de définir les termes dans l’épistémologie du siècle des Lumières et d’étudier les variations jusque dans le discours de la critique littéraire de la fin du XIXe siècle. Le « faire-vivre » régit aussi stylistiquement un genre que la photographie renouvelle : l’ekphrasis, ou les moyens que s’offre un texte pour restituer par la parole les qualités de présence et d’attestation propres à la photographie.
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Sommaire: V. Branca, «Apertura del Convegno»; G. Ricuperati, «La cultura italiana nel secondo Settecento europeo»; S. Moravia, «La filosofia degli “idéologues”. Scienza dell’uomo e riflessione epistemologica tra Sette e Ottocento»; L. Sozzi, «L’idea di illusione tra la fine del Settecento e l’inizio dell’Ottocento»; M. Cerruti, «Dalla “sociabilité” illuministica al mito del poeta solitario. La musa saturnina»; C. Capra, «“L’opinione regina del mondo”. Percorsi dell’evoluzione politica e intellettuale di Pietro Verri»; P. Del Negro, «Rappresentazioni della guerra in Italia tra Illuminismo e Romanticismo»; M. Pastore Stocchi, «Cenni su alcune traduzioni neoclassiche»; G. Baldassarri, «Cesarotti fra Omero e Ossian»; G. Pizzamiglio, «Illuminismo e Neoclassicismo a Venezia»; A. Fabrizi, «Le discussioni sulla lingua nel secondo Settecento: da Baretti a Galeani Napione»; P. Adinolfi, «L’idea di felicità tra la fine del Settecento e l’inizio dell’Ottocento»; A. Motta, «I cambiamenti della forma-romanzo fra Illuminismo e Romanticismo: il caso Piazza»; F. Fido, «La storia a teatro. Dalla tragedia settecentesca e alfierianai componimenti teatrali di Giovanni Pindemonte»; G. Santato, «Un itinerario intellettuale tra Illuminismo e Rivoluzione: Alfieri e Voltaire»; A. Di Benedetto, «Da Goethe a Platen: momenti della fortuna di Alfieri in Germania»; E. Bonfatti, «L’antologia tedesca di Aurelio de’ Giorgi Bertola»; E. Guagnini, «Il viaggio, lo sguardo, la scrittura. Generi e forme della letteratura odeporica tra Sette e Ottocento».
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Aussi réputées, sans doute, que méconnues, les Questions de littérature légale furent publiées anonymement en 1812, puis rééditées seize ans plus tard, sous une forme " considérablement augmentée ", par le désormais Bibliothécaire du Roi à l’Arsenal. Prisées des gens du livre au XIXe siècle, elles constituent encore de nos jours une référence dans tous les travaux critiques concernant le pastiche, le plagiat, les supercheries littéraires et autres doctes bagatelles. Or la " bavarderie bibliologique ", comme toujours chez Nodier, ne donne pas seulement lieu à des analyses aussi piquantes que sagaces de l’imitation, de l’emprunt, des procédés stylistiques ou de la figure de l’auteur ; par le biais d’une poétique dissuasive qui invoque " l’attention des gouvernements et la prévoyance des lois ", et tout en appelant de ses vœux une morale publique qui contraigne chaque écrivain à se montrer vertueux, le facétieux érudit n’en compose pas moins un manuel pratique de falsification textuelle. Richement annotée, la présente édition fait justice à cette œuvre depuis longtemps indisponible, dont l’érudition volontiers ironique et allusive rend la lecture captivante comme celle d’un conte romantique.
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«Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles». Tel se donne à lire, selon la formule célèbre et désenchantée de Valéry, l’acte de naissance de l’Europe dans la littérature du XXe siècle. Pour quiconque s’interroge aujourd’hui sur la définition de la «littérature européenne» et, plus largement, sur l’identité de la «culture européenne», force est de constater la complexité des questions soulevées. De quoi parle-t-on au juste lorsque, à l’aube de la modernité, l’Europe – l’Europe comme mythe, comme idée, comme thème ou comme figure – est soumise à examen? S’agit-il toujours de la même réalité, suivant qu’on la conçoive à la façon polémique des surréalistes en France ou à la manière apocalyptique des grands poètes (T. S. Eliot, W. B. Yeats, Pessõa, Séféris, D’Annunzio, García Lorca, Rilke)? Que nous apprennent de notre culture, tout au long de l’entre-deux-guerres, les romanciers les plus subtils (Proust, Kafka, Svevo, Mann, Hesse, Broch, Musil, Joyce, Huxley ou Witkiewicz), les auteurs dramatiques les plus audacieux (Claudel, Hofmannsthal, Pirandello) et les théoriciens les plus novateurs (de Spengler à Freud)? Voilà l’enjeu de ce livre: partir à la recherche de l’Europe en littérature pour, textes à l’appui, parvenir à définir une nouvelle poétique de la culture.
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